Les fusées

 

 

Les "fusées".

Ce site est parsemé de petits films dont la durée va de quelques secondes à trois minutes. Il sont réalisés aussi spontanément que possible, souvent en catastrophe. Ils obéissent à un protocole invariable qui n'autorise aucun repentir : le plan-séquence, avec ou sans bande son (soit le son provient de la chose filmée, soit je le choisis -et ce sont des musiques pré-enregistrées, des voix sélectionnées, à ma disposition, prêtes à être lues dans l'habitacle de ma voiture - pour une utilisation en simultané durant la prise de vue). La plupart de ces "fusées" sont reliées à des apparitions, à des scènes qui captent mon attention tout au long des paysages traversés (cf "Le rappel des oiseaux", "Les cultures", "Les machines agricoles").

 

Le matériel utilisé est jusqu'à présent volontairement rudimentaire ( un simple "compact" acquis à l'origine pour prendre des "notes", des "croquis", pour compléter le travail photographique ), avec comme intention principale celle de restituer sans fioritures quelques ambiances et certains petits mystères que la photographie ne me semble pas livrer. Si chaque photographie représente pour son auteur l'équivalent proustien d'une petite madeleine, les "fusées" qui s'ajoutent ici proposent une matière brute au visiteur, des fragments de vie, un éclairage d'appoint.

 

Les "fusées", telles des ponctuations (des contrepoints ?) et les séries photographiques entre lesquelles elles s'intercalent posent la question du temps. Que se passe t-il sur les lieux qui préludent à cette décision de prendre (de recevoir ?) une photographie ? Que se passe t-il pendant ?

Et qu'en advient-il ? Il me semble que le présent n'en finit pas.

O. V.

 

 

XIV. Qu’est-ce donc que le temps ? Si personne ne m’interroge, je le sais ; si je veux répondre à cette demande, je l’ignore. Et pourtant j’affirme hardiment, que si rien ne passait, il n’y aurait point de temps passé ; que si rien n’advenait, il n’y aurait point de temps à venir, et que si rien n’était, il n’y aurait point de temps présent. Or, ces deux temps, le passé et l’avenir, comment sont-ils, puisque le passé n’est plus, et que l’avenir n’est pas encore ? Pour le présent, s’il était toujours présent sans voler au passé, il ne serait plus temps ; il serait l’éternité. Si donc le présent, pour être temps, doit s’en aller en passé, comment pouvons-nous dire qu’une chose soit, qui ne peut être qu’à la condition de n’être plus ? Et peut-on dire, en vérité, que le temps soit, sinon parce qu’il tend à n’être pas ?

 

XX. Or, ce qui devient évident et clair, c’est que le futur et le passé ne sont point ; et, rigoureusement, on ne saurait admettre ces trois temps : passé, présent et futur ; mais peut-être dira-t-on avec vérité : Il y a trois temps, le présent du passé, le présent du présent et le présent de l’avenir. Car ce triple mode de présence existe dans l’esprit ; je ne le vois pas ailleurs. Le présent du passé, c’est la mémoire ; le présent du présent, c’est l’attention actuelle ; le présent de l’avenir, c’est son attente. Si l’on m’accorde de l’entendre ainsi, je vois et je confesse trois temps ; et que l’on dise encore, par un abus de l’usage : Il y a trois temps, le passé, le présent et l’avenir ; qu’on le dise, peu m’importe ; je ne m’y oppose pas : j’y consens, pourvu qu’on entende ce qu’on dit, et que l’on ne pense point que l’avenir soit déjà, que le passé soit encore. Nous avons bien peu de locutions justes, beaucoup d’inexactes ; mais on ne laisse pas d’en comprendre l’intention.

 

Saint Augustin, Les Confessions, Livre 11, chapitres 14 & 20.